Le site du Service Public explique que toute femme enceinte (y compris mineure) qui ne souhaite pas poursuivre une grossesse peut en demander l’interruption. La pratique de l’avortement est réglementée et plusieurs étapes doivent être respectées, avant et après l’intervention.
Il existe 2 méthodes d’IVG :
- L’IVG instrumentale (chirurgicale) qui est pratiquée obligatoirement en établissement de santé
- L’IVG médicamenteuse qui est pratiquée en établissement de santé, en cabinet de ville, en centre de planification ou en centre de santé.
Il n’y a pas de condition d’âge à respecter. Si vous êtes mineure, vous pouvez choisir de demander le consentement de vos parents ou de votre représentant légal et ainsi être accompagnée. Cependant, si vous souhaitez garder le secret, l’IVG est pratiquée à votre seule demande. Dans ce cas, vous devez vous faire accompagner dans votre démarche par la personne majeure de votre choix.
Les délais dépendent de la méthode choisie :
– L’IVG chirurgicale peut être pratiquée jusqu’à la fin de la 12e semaine de grossesse (aspiration de l’œuf)
– L’IVG médicamenteuse est pratiquée jusqu’à la fin de la 5e semaine de grossesse. En établissement de santé, ce délai peut être prolongé jusqu’à 7 semaines de grossesse (deux médicaments à prendre (le 1er servant à interrompre la grossesse et le 2nd à provoquer l’expulsion de l’œuf).
À savoir : la prise en charge de l’IVG est protégée par le secret médical pour pouvoir préserver, à sa demande, l’anonymat de l’intéressée.
À lire leurs explications, la démarche donne une réelle impression de simplicité qui est tout autre quand on est la principale actrice de cette situation.
Quand j’ai décidé de parler de ce sujet, trop peu évoqué selon moi, P. est venue me proposer de témoigner. Je savais qu’elle était la personne parfaite.
Pour vous situer un peu, à l’époque, elle est en 3ème année de licence. Elle est fraîchement en couple, après une relation toxique de 3 ans. Dans cette nouvelle relation, elle reprend enfin confiance en elle.
Très vite, elle réalise qu’elle a un retard de règles. Sans aucune surprise, le test est positif : elle est bien enceinte !
Elle est perdue mais elle a pleinement conscience qu’elle ne souhaite pas garder ce bébé : elle a 20 ans, de l’ambition dans ses études et le père est son ancien compagnon.
Des questions lui viennent en tête : Doit-elle en parler à son compagnon actuel ? Comment le faire ?
Par chance, elle se retrouve face à un homme posé et mature qui la rassure et lui confirme sa présence à ses côtés, quelque soit l’issue définitive… Car à ce moment là, elle ne sait pas encore depuis combien de temps elle est enceinte et si elle va pouvoir avoir accès à l’avortement.
Le rendez-vous au planning familial est pris, il lui faut juste attendre quelques jours. Des jours d’attente interminable.
Le jour J, elle tombe sur une femme plutôt âgée qui lui explique qu’elle doit faire, en premier lieu, une échographie (le planning familial est dans un hôpital, mais elle ne lui propose pas de trouver une solution immédiate et la renvoie chez elle).
Une nouvelle attente, une nouvelle incertitude mais ce rendez-vous arrive enfin… Elle est à 8 semaines de grossesse, il est encore temps pour elle d’avorter. Elle reprend donc rendez-vous au planning familial et c’est la même personne qui la reçoit une nouvelle fois. Au lieu de l’accompagner dans son choix, elle va tout tenter pour la faire culpabiliser afin de la faire changer d’avis.
Elle la dirige vers une personne du corps médical qui lui explique les 2 possibilités d’avortement. Elle choisit la solution médicamenteuse malgré le fait qu’on lui explique qu’elle est peut être hors délai. Mais peu importe, elle ne souhaite pas se retrouver sur une table d’opération.
Lors de la prise du 2nd médicament, elle est dans une pièce avec deux autres filles et l’infirmière. Niveau intimité, on a rarement vu pire.
Le second cachet pris, l’attente commence. Ce cachet est là pour évacuer l’embryon, dans des douleurs difficilement supportables (ce sont en réalité des contractions comme un accouchement classique).
Elle se retrouve couchée au sol en recherche de fraîcheur pour atténuer la douleur qui lui crée des nausées.
L’infirmière présente n’éprouve aucune compassion et lui demande de se mettre sur le lit comme si elle faisait un vulgaire caprice.
Après les premières pertes de sang, elle lui demande d’aller aux toilettes et de l’appeler pour vérifier qu’il s’agit bien de l’expulsion.
Tout se déroule comme prévu, elle repart chez elle avec une ordonnance et un rendez-vous échographique de contrôle.
Arrive le jour de l’échographie. Mais rien ne se passe comme prévu : on lui annonce qu’elle est enceinte de 12 semaines !
Dans sa tête c’est la panique : Comment va t-elle faire alors que le délai d’avortement est dépassé ?
Mais surtout : Comment cela est-il possible ? Elle est certaine d’avoir expulsé quelque chose et l’infirmière a bien confirmé.
Elle appelle son compagnon, en pleurs, qui la rassure du mieux possible.
Après cet appel, le gynécologue revient lui passer une seconde échographie et lui annonce qu’elle est un cas assez rare : il s’agit d’une grossesse gémellaire qui n’a pas été constatée lors de la première échographie. De ce fait, elle n’a expulsé qu’un seul embryon, laissant le second grandir tranquillement.
Elle tombe des nues, ne sachant pas comment réagir face à cette nouvelle.
Il lui explique rapidement, avec froideur, que quelle que soit sa décision, ils ne laisseront pas cette grossesse se poursuivre. La grossesse étant trop dangereuse suite aux cachets avalés pour l’avortement.
Il en profite pour faire venir quelques internes pour montrer LE cas de la journée.
Cette échographie la chamboule car elle n’y voit pas un haricot mais bien un bébé avec un cœur qui bat.
Elle part en urgence pour un curetage qui va se faire sous anesthésie rachidienne. Cette anesthésie va l’obliger à tout entendre, les commentaires et les bruits…
Elle n’a jamais douté du bon sens de sa décision dans le choix d’avorter, elle n’en a jamais eu honte. Toutefois, elle remercie le gynécologue d’avoir pris la décision finale pour le second embryon, car après avoir vu ce bébé à l’écran, sa certitude n’était plus la même.
Il est important de préciser que P est sous pilule quand elle tombe enceinte, qu’elle n’a jamais eu d’oubli. Elle fait parti de ce petit nombre de femmes qui tombent enceinte sous contraceptif.
À l’époque, on ne la croit pas. Elle a 20 ans et on estime qu’elle n’a pas fait attention et qu’elle en paye le prix.
Deux ans plus tard, elle va de nouveau tomber enceinte et décider d’avorter une nouvelle fois. Elle le fera dans une autre ville et cette fois-ci, elle va se sentir écoutée et comprise. On va lui autoriser un curetage sous anesthésie générale suite au traumatisme du premier.
On lui a alors changé sa pilule et il n’y a plus jamais eu de grossesse surprise.
Aujourd’hui, elle est l’heureuse maman de 2 beaux enfants et elle reste en paix avec ses choix.
Elle est pleinement conscience que cette première grossesse multiple aurait gâché la vie qu’elle avait en tête, mais également la vie de ces 2 petits êtres qui ne demandaient rien que d’être aimé et qui malheureusement aurait pâti de leur arrivée non désirée, auprès d’une jeune femme perdue, en plein projets de construction de son avenir et de reconstruction d’elle-même, suite à une relation dévastatrice.
Par ce témoignage lourd et éprouvant, je souhaitais mettre en avant le fait que l’avortement n’est jamais anodin, même lorsqu’il est décidé avec réflexion.
Il laisse des traces indélébiles psychologiquement.
Ces traces, Simone Veil en parle dans son discours lors de la présentation de son projet de loi devant l’Assemblée Nationale : « Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issues. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ? Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme — je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. »
Après vingt-cinq heures de débats animés par 74 orateurs, la loi est finalement adoptée par l’Assemblée le 29 novembre 1974 à 3h40 du matin par 284 voix contre 189. La loi est promulguée le 17 janvier 1975. Son entrée en vigueur est prévue initialement pour une période de 5 ans, à titre expérimental. Elle est reconduite sans limite de temps par la loi n°79-1204 du 31 décembre 1979.
Je ne vais pas vous détailler le contenu de cette loi, internet le fait très bien pour moi.
Toutefois, il est important de résumer quel était la situation juste avant que cette loi soit adoptée et change la vie de nombreuses femmes.
L’avortement est l’aboutissement d’un long combat. En 1971, 343 femmes (dont certaines célébrités) reconnaissent avoir déjà avorté. Le manifeste des 343 est une pétition parue dans le magazine Le Nouvel Observateur, appelant à la légalisation de l’avortement en France. Il prend la forme de la liste des 343 Françaises qui ont le courage de signer le manifeste “Je me suis fait avorter” ». On les appelle les 343 salopes suite à une caricature du journal satirique Charlie Hebdo.
En 1972, a lieu le procès de Bobigny. Marie-Claire, 17 ans, est alors jugée pour avoir avorté après un viol. Gisèle Halimi la défend et l’emporte. Le délit d’avortement n’a plus lieu d’être.
Trois ans plus tard, la loi sur l’IVG consacre la liberté de choix de la femme.
Ne jugez pas une femme qui a avorté.
Cessez de penser qu’elle devait faire attention.
Ne la regardez pas comme un monstre qui a tué.
Regardez-la, écoutez-la, comprenez-la.
Ses raisons lui appartiennent, elle ne demande pas votre approbation.
Elle souhaite juste avancer dans sa vie sans être jugé pour un acte qui lui a demandé du courage, qui lui a peut-être sauvé la vie…
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